Le pourquoi du prix : le mouvement

Un mouvement mécanique reste un objet coûteux et un déterminant essentiel du prix d’une montre. Tout commence par sa conception. Qu’il soit simple ou compliqué, un calibre nécessite entre deux et quatre ans de développement à une équipe entière. Les coûts d’ingénierie afférents sont très élevés, d’autant plus que ces dépenses ont lieu des années avant la première vente. Il est donc tentant de prendre un raccourci. Le clonage légèrement modifié d’un mouvement existant, réputé et tombé dans le domaine public est une approche courante. Mais réduire les coûts de développement n’est qu’un début. Car il reste à fabriquer le mouvement.

 

Machines

L’horlogerie est, quoiqu’elle en dise, un univers industriel. Elle manipule du métal, le découpe, le perce et l’embellit. Pour ce faire, il faut des machines-outils. Remplir un atelier polyvalent de petite capacité coûte un minimum de 10 millions de francs. La taille et le nombre des machines dépendent de plusieurs facteurs. Le premier est le nombre de composants qui forment le mouvement. Moins il y en a, moins il y a d’opérations à effectuer, plus il est économique. Second facteur, la forme des pièces. Des ponts en ligne droite, des ressorts en barrette, une platine à un seul niveau, toute simplification diminue le temps de réglage et de fonctionnement des machines, ainsi plus productives. La qualité de l’usinage est fondamentale. Il existe un équilibre à trouver entre la fiabilité des pièces, indispensable pour éviter les reprises et problèmes futurs, et leur apparence. Enfin, la taille du parc de machines va dépendre des quantités produites.

 

 

Matière

S’il est un facteur qui influence peu le tarif d’un mouvement, c’est sa matière. La quasi-totalité est en laiton, plus quelques composants en acier. Il est économique, facile à usiner et à mettre en beauté. Certains utilisent du maillechort, un alliage légèrement plus coûteux. Réservé aux exécutions haut de gamme, il requiert un soin particulier parce qu’il raye facilement et que ces rayures ne se rattrapent pas. Plus rare encore, d’autres utilisent le titane, léger mais très dur, et même l’or. Coûteux, il est aussi plus simple d’y sertir des diamants que dans un acier.

 

Main d’œuvre

L’effort. C’est en réalité là que se fait l’essentiel du prix de fabrication du mouvement. Décoré sommairement ou selon les règles de l’art, un même calibre voit son coût multiplié par cinq, dix, voire trente. Le traitement des surfaces va d’un sablage automatisé à un polissage miroir. Les angles peuvent être adoucis par des machines ou à la main. Tout se joue sur le niveau de brillance des polissages, sur le traitement des angles, le niveau de détail, des facteurs peu quantifiables sinon en temps passé. Il s’agit de main d’œuvre pure. Dans l’horlogerie suisse, elle est très qualifiée et bien payée.

 

 

Montage

A ce stade, le mouvement est à l’état de composants qu’il s’agit d’assembler. Plus le calibre est simple, plus l’opération est rapide : moins d’une heure sur des chaînes de montage manuel séquentiel. La multiplication des complications et des composants fait grimper le temps passé selon des courbes non linéaires. Les plus grandes complications prennent… près d’un an à assembler. La durée du réglage est proportionnelle à la qualité du développement, ce qui renvoie au début de la gestation du calibre, au choix du balancier et du spiral. Plus on se rapproche de critères chronométriques serrés, plus il faut y passer du temps. Dans le cas de tourbillons dignes de ce nom, il peut prendre des jours. Et bien sûr, tous ces facteurs se cumulent.

 

Marge

Le dernier déterminant du prix d’un mouvement n’est pas du ressort du temps passé. Il s’agit de la marge qu’il contient. Lorsqu’il est fabriqué en interne, la marque peut choisir de répercuter une plus ou moins grande partie de son coût sur son client. Les nouveaux venus au mouvement de manufacture, et ils sont nombreux, ne peuvent se permettre d’augmenter leurs tarifs de 30 ou 40 % du jour au lendemain sous prétexte qu’ils se sont mis à fabriquer leurs propres calibres. La hausse des coûts est lissée dans le temps, la marque faisant le pari d’un succès à long terme pour amortir ses investissements. La seconde option est la plus répandue. Elle consiste à acheter un mouvement tout fait à un spécialiste. La question des coûts est alors la même, augmentée du profit de ce sous-traitant. Le nerf de la guerre en horlogerie est donc avant tout l’économie d’échelle. Plus un mouvement est produit en grandes quantités, moins les coûts fixes pèsent sur chaque unité. C’est la logique de toute industrie et la montre n’y échappe pas.


Journaliste expert en horlogerie et correspondant régulier de WorldTempus, David alimente notre rubrique technique.

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