Vous venez d’inaugurer votre manufacture d’habillage et vous avez aussi ouvert les portes de votre manufacture de mouvements à quelques VIP, que vous apporte cette verticalisation ?
La création de notre pôle habillage respecte en fait une logique de verticalisation entamée il y a une décennie car Bvlgari fabrique en effet ses boîtiers, ses cadrans et ses mouvements depuis des années. Nos unités de production s’étendaient sur cinq sites et nécessitaient une certaine rationalisation. Nous avons déjà fusionné notre pôle d’expertise horlogère de la Chaux-de-Fonds avec notre fabrique de mouvements du Sentier, en y construisant un centre de mouvements polyvalent permettant beaucoup plus de flexibilité et de réactivité. Cela permet de produire ce qui est demandé et pas seulement ce qui est prévu, et donc d’éviter les stocks et de réaliser des gains colossaux car nos temps de réapprovisionnement sont passés de huit à trois mois. Nos assembleurs passent ainsi d’une simple Solotempo 3 aiguilles à des pièces plus compliquées avec ou sans tourbillon. Les grandes sonneries restent bien sûr l’apanage de trois maîtres horlogers experts. La même réflexion s’applique donc à notre nouveau pôle d’habillage car il existe également des synergies dans la fabrication de cadrans et de boîtiers, comme par exemple leur polissage ou leur usinage, même si ces deux métiers sont nés de manière indépendante chez Bvlgari. C’est doublement vertueux car non seulement les clients en profitent mais également le personnel dont l’expertise évolue et le parcours de carrière peut s’élargir, ce qui n’est pas toujours le cas dans une entreprise de taille moyenne.
Les cinq records du monde de finesse affichés par Bvlgari en quelques années commencent-ils à porter leurs fruits en termes d’image auprès des clients finaux ?
On le constate clairement, que ce soit à travers nos détaillants qui nous accordent plus de considération et par une demande accrue pour nos montres masculines. En parallèle, cette reconnaissance du savoir-faire horloger renforce également l’intérêt pour nos montres dames. Les clientes apprécient d’avoir une montre conçue pour elles par une vraie marque horlogère et haut de gamme, ce qui explique pourquoi Bvlgari parvient à se développer malgré les difficultés rencontrées actuellement par le marché.
Votre hôtel Bvlgari de Dubaï accueille en janvier un événement horloger LVMH, est-ce important pour vous ?
Traditionnellement à cette période nous rencontrions la presse internationale et nos clients en marge du SIHH pour leur présenter les nouveautés afin qu’ils puissent planifier leur année. Du fait du déplacement des salons horlogers à fin avril-début mai, afin de ne pas perdre quatre mois sur notre lancée 2019, notre rendez-vous LVMH de janvier à Dubaï nous met en relation avec les meilleurs journalistes horlogers de la planète et les meilleurs détaillants des marques Bvlgari, Hublot, TAG Heuer et Zenith dans le but de réaliser une partie importante du chiffre d’affaires 2020. Alors même que beaucoup d’autres marques devront encore attendre plusieurs mois. Le fait de les recevoir dans un hôtel Bvlgari offre un contexte d’hospitalité de très haute qualité, beaucoup plus propice à la construction de partenariats que lors des salons horlogers. Cet événement de Dubaï remplace donc nos anciens Geneva Days, peut-être même Baselworld à l’avenir, nous ne sommes pas encore fixés.
« Bvlgari parvient à se développer malgré les difficultés rencontrées actuellement par le marché. »
Bvlgari vient également de participer à la Dubaï Watch Week, dans quel but ?
Nous y participons à travers notre détaillant Ahmed Seddiqi & Sons qui s’occupe de Bvlgari dans la région et a créé une très bonne plateforme en termes de visibilité, notamment pour la clientèle masculine. La Dubaï Watch Week constitue une occasion en or pour mettre en avant notre expertise sur les montres masculines avec nos cinq records du monde et nos distinctions au Grand Prix d’Horlogerie de Genève depuis des années. Bvlgari devrait émerger positivement aux yeux des visiteurs et des clients de Seddiqi & Sons qui viendront à nos dîners.
Les montres Bvlgari bénéficient d’une bonne dynamique, comment se profile 2020 ?
Avec les tensions dont souffre Hong Kong qui représente d’après les chiffres officiels le premier marché d’exportation de l’horlogerie, la branche fléchit de manière significative et cela risque d’affecter aussi les premiers mois de 2020. La forte baisse de fréquentation des touristes à Hong Kong n’est pas compensée par le transfert vers d’autres destinations. Même si les gouvernements de Hong Kong et de Pékin trouvent une solution, la méfiance restera pendant plusieurs mois comme ce fut le cas avec les gilets jaunes en France, pénalisant l’horlogerie. Heureusement, comme lors du ralentissement de 2014, Bvlgari entame l’année avec une nouvelle collection dont les effets positifs devraient durer 18 à 24 mois et nous permettre d’afficher une croissance supérieure à celle du marché. Les montres pour dames Seduttori ont été créées pour un usage plus quotidien et touchent une nouvelle clientèle. Par ailleurs le modèle Lvcea Squelette devient un bestseller inattendu dont nous allons décliner le succès, et nous dévoilerons lors de notre événement de Dubaï des modèles Octo qui continuent à s’avérer très intéressants.
Comment se comporte le marché du très haut de gamme, féminin et masculin ?
Bvlgari réalise de très belles ventes sur les montres Octo Tourbillon Saphir que les clients demandent aussi parfois à décliner avec des bandes de carrure en jade ou autres pierres précieuses, dont le prix s’élève alors à CHF 400’000 ou CHF 500’000. Le succès du très haut de gamme se vérifie aussi sur l’horlogerie féminine de haute joaillerie avec des petites complications comme le tourbillon. Ce segment constitue déjà une part importante mais présente une belle marge de progression si je regarde ce qui se passe pour d’autres marques.