Jean-Christophe Babin – Tag Heuer : CEO de Tag Heuer

Vous avez récemment annoncé de nouveaux aboutissements en matière de précision chronographique, de quel ordre ? 

L’an passé nous avons présenté le premier chronographe mécanique au monde affichant le 1000e de seconde grâce à une fréquence de 500 hz. Le Mikrotimer Flying 1000 a fait l’objet de séries limitées qui ont été commercialisées avec succès. Continuant sur cette plateforme de R&D, les équipes internes de TAG Heuer ont cette fois atteint des ultra-hautes fréquence inédites, 7 200 000 alternances par heure, permettant de mesurer le 2/1000e de seconde. Nous avons ainsi dévoilé en début d’année deux prototypes fonctionnels du Mikrogirder, qui est protégé par dix brevets. C’est un nouveau principe qui a été inventé : nous sommes passés de l’avion à hélice au jet. En effet depuis 1675 c’est le couple balancier-spiral conçu par Christiaan Huygens qui assure la régulation de toutes les montres mécaniques. Le Mikrogirder dispose d’un tout autre organe réglant. Son système de lames vibrantes combinant un coupleur/poutre et un excitateur associé à un oscillateur linéaire (et non un ressort classique) fonctionne sans inertie, comme une corde de violon : son amplitude ne dépasse pas les 4,5 degrés, contre 250 pour une montre classique. Donc il consomme peu d’énergie et le risque d’usure reste très faible. La lame excitante récupère l’énergie «sauvage» s’échappant du barillet, qui est transmise à une lame de couplage alors qu’une troisième lame plus rigide la régule : elle la transforme en divisions du temps en vibrant exactement à 1000hz. En labo nous sommes montés à 3000hz mais là on ne sait plus trop ce qu’on lit, alors qu’à 1000hz on peut lire le 2/1000e de secondes. Ce principe inédit casse donc pour la première fois le 10 /1000e de seconde en deux unités tout en restant lisible sur un cadran, et du principe nous sommes passés au stade de la fabrication.

 

Quel a été l’accueil des autres nouveautés présentées au début de l’année ?

Vu le succès de la collection Formula 1 partout dans le monde, ses déclinaisons en 18 nouvelles versions ont pleinement satisfait nos détaillants. Nous continuons à donner beaucoup de valeur pour le prix de nos pièces (les modèles hommes se situent entre 1200.- et 2000.- francs), ce qui nous confère un avantage concurrentiel énorme. Les versions automatiques pour les dames et nouvelles références avec la fonction réveil, que TAG Heuer est pratiquement la seule marque à proposer sur ce créneau des montres de prestige, ont été particulièrement bien accueillies.

 

Quel rôle va jouer votre nouvelle ambassadrice, Cameron Diaz ?

Nous lançons une nouvelle ligne lors de Baselworld 2012, à laquelle elle est associée. Il s’agit d’une ligne beaucoup plus féminine que la Formula 1, à laquelle la personnalité sportive de Maria Sharapova  correspond efficacement. Cameron Diaz et Maria Sharapova n’ont ni le même âge, ni la même image, elles ne jouent pas dans la même cour.

 

Après avoir mis l’accent sur les sports mécaniques ces dernières années, vous embarquez à nouveau dans le sponsoring nautique, qu’en attendez-vous ?

TAG Heuer possède une gamme importante et historique dénommée Aquaracer, pour qui la voile constitue un territoire naturel et élégant. En devenant chronométreur officiel d’Oracle nous faisons coup double : en tant que Defender de la 34e America’s Cup, Oracle est la seule équipe autorisée à utiliser l’appellation, ce qui est également valable pour ses partenaires. Par ailleurs l’approche d’Oracle se veut très haut de gamme, ce qui nous convient bien. Enfin ce sont les seuls à avoir engagé deux bateaux, ce qui double notre visibilité et nos chances de gagner ! Or le nouveau format du plus vieux trophée sportif du monde le rend particulièrement spectaculaire et facile à suivre.

 

Après avoir participé à l’enquête de la Commission  de la Concurrence visant à établir un éventuel abus de position dominante du Swatch Group suite à leur annonce de réductions de mouvements aux tiers de 15%, TAG Heuer s’est retiré, pourquoi ?

Dans un premier temps la Comco a envoyé des questions auxquelles nous avons répondu factuellement, même sans obligation légale, en précisant ce qui nous paraissait juste. Ensuite nous avons été contactés par d’autres marques qui nous ont proposé de nous joindre à leur dépôt de plainte. Nous avons développé un projet mais ne l’avons pas posé. Il semble en effet que la Comco ait pré-agréé la décision de Swatch et, connaissant l’historique de leurs relations, les dés sont sans doute déjà jetés. Pourquoi dès lors livrer cette bataille ? Notre intérêt n’est pas d’être en conflit avec ETA qui reste notre premier fournisseur de mouvements, et inversement, même en enlevant 15%,  nous devons constituer le premier client d’ETA avec Sellita. Mr Hayek avait prévenu la branche en 2005, nous avions commencé à nous organiser pour y remédier.


Rédacteur en chef des magazines GMT et Skippers dont il est le cofondateur depuis 2000 et 2001, Brice Lechevalier est aussi à la tête de WorldTempus depuis son intégration dans la société GMT Publishing, qu’il dirige en tant que co-actionnaire. Il a par ailleurs créé le Geneva Watch Tour en 2012 et conseille le Grand Prix d’Horlogerie de Genève depuis 2011. Côté nautisme, il édite aussi le magazine de la Société Nautique de Genève depuis 2003, tout en étant membre fondateur des SUI Sailing Awards (les prix officiels de la voile suisse) depuis 2009 et du Concours d’Elégance de bateaux à moteur du Cannes Yachting Festival depuis 2015.

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