Avec le millésime 2015 de cette collection Tradition, Breguet fait découvrir des éléments de l’histoire, de la technologie et du fonctionnement de l’horlogerie et de ses complications, quelque part il s’agit d’une nouvelle façon plus visible d’expliquer notre passion. Or pour moi, le luxe comprend une notion de satisfaction non seulement personnelle, mais également commune dans le partage du plaisir ressenti. Entre passionnés bien sûr, mais également avec des personnes simplement interpellées par le design de nos pièces. Si je prends ainsi l’exemple du Chronographe Indépendant 7077, ma pièce fétiche de cette année, cette philosophie s’illustre parfaitement : l’interlocuteur commence par s’intéresser au double balancier, puis s’interroge sur le fonctionnement et l’origine du chronographe, et la discussion est lancée. Nous avions déjà expérimenté cette approche avec le tourbillon fusée, dont la petite chaîne surprenait, et permettait alors d’exposer le principe de la force constante. Le déclic visuel entraînant les questions sur la substance horlogère me parait capital. Dans ce sens l’interprétation esthétique radicale de la tradition horlogère, qui peut prendre l’apparence d’un pont très moderne par exemple, me semble primordiale.
Quels sont les autres grands rendez-vous de Breguet cette année ?
Si l’on ne cite que les deux principaux sur deux continents, j’évoquerais essentiellement Waterloo en juin et San Francisco en septembre. Toutes les têtes couronnées de la planète assisteront à la commémoration de la bataille de Waterloo, à laquelle Breguet s’est associé à travers la rénovation d’un bâtiment historique, car Breguet s’engage toujours en substance, tout en préférant célébrer la paix qui en a découlé. Aux Etats-Unis, nous organiserons de septembre à janvier 2016 en collaboration avec le San Francisco Fine Art Museum une exposition de pièces anciennes, dont certaines n’ont jamais été vues par le public car nous en avons fait l’acquisition très récemment.
Quels sont d’après vous les challenges de Breguet durant la prochaine décennie ?
Prolonger l’œuvre d’Abraham-Louis Breguet, idéalement. Même si ces dernières années se sont avérées très intenses en matière d’innovation et de technologie de pointe, par exemple avec l’introduction du pivot magnétique et du silicium j’espère que nous pourrons continuer à mettre la barre de plus en plus haut. Je tiens à rendre hommage aux hommes et aux femmes derrière ces prouesses, à refléter le savoir-faire humain dans nos créations et dans les coulisses du high-tech. Nous allons aussi mettre l’accent sur les métiers d’art.
En tant que président de Blancpain, de quelle nouveauté êtes-vous le plus fier ?
Avec le chronographe Bathyscaphe dans la collection Fifty Fathoms, il y a plus qu’une montre, on trouve aussi tout le projet Blancpain Ocean Commitment qui va permettre de doubler les zones protégées dans les eaux du globe. Au-delà de la belle mécanique, l’histoire de Blancpain refait surface dans cette pièce, dont la vente contribue directement à la préservation de la planète. Cet aspect me touche personnellement. Parallèlement, d’un côté purement horloger, le tourbillon carrousel compte tout particulièrement. Il représente l’aboutissement de notre première pièce L-Evolution, dont la première version m’avait un peu laissé sur ma faim. Maintenant le rendu high-tech et horloger du produit correspond parfaitement au concept et à l’esprit que j’avais en tête à l’origine.
Et en ce qui concerne Jaquet Droz que vous dirigez également ?
Je dirais la Lady 8 Flower Automatique, qui génère de l’émotion chez les dames aussi bien que chez les hommes. En effet, si Blancpain et Breguet créent des complications féminines dans la mesure où elles reflètent leur ADN, je crois qu’il faut toujours rester proche de l’esprit et de la fonctionnalité horlogère propres à la marque, or c’est l’automate qui définit le mieux Jaquet Droz. Pour moi, l’automatisme constitue la pureté absolue du concept de l’automate, et les réactions sont unanimement positives sur cette pièce.
Comment gérez-vous votre engagement sur ces trois marques de front en permanence ?
Effectivement je suis régulièrement tiraillé de tous les côtés, et ce ne serait pas tenable sans les super équipes qui oeuvrent à mes côtés ! Bien sûr Blancpain et Breguet me demandent plus d’énergie car Jaquet Droz ne possède pas encore leur taille. Chez Blancpain et Breguet, il m’arrive de m’emballer sur un projet spécifique qui devient alors très chronophage, mais les équipes de l’autre marque me rappellent à l’ordre et nous rééquilibrons la balance. Nous nous livrons à beaucoup d’échanges et in fine sur Breguet je ressens le besoin de m’impliquer personnellement encore davantage.
Où voyez-vous les plus gros potentiels de développement dans l’ensemble ?
Pour les trois marques, je pense que nous disposons encore d’un gros potentiel de croissance aux USA, où nous ne nous trouvons pas au niveau auquel nous nous situons dans le reste du monde par rapport à la concurrence habituelle. Ensuite sur certains marchés comme l’Inde, Breguet est très bien implanté mais Blancpain n’a pas encore trouvé le produit sésame, alors que Blancpain bénéficie en revanche d’une belle avance en Chine où Breguet va encore se développer. Ceci dit, qui peut prédire aujourd’hui l’évolution générale des marchés et les phénomènes géopolitiques à travers le monde ?