Vous avez repris la direction de GP il y a un an, où en est la marque ?
Tout d’abord elle possédait une bonne base dont j’ai hérité de mes prédécesseurs, notamment en termes de produits. Nous avons commencé par renforcer la direction, mais Girard-Perregaux peut compter sur des collaborateurs passionnés à tous les niveaux, il y a une âme forte dans les équipes. Nous avons effectué un travail important sur la marque ces six derniers mois, qui reste pour l’instant très partiellement visible. Il a fallu l’analyser, puis s’assurer qu’elle s’exprime de la bonne façon. Par exemple le logo a évolué, il a été simplifié et modernisé avec le pont qui synthétise les 225 ans d’histoire, l’expertise en chronométrie, son exclusivité que nous devons pérenniser. Il s’agit d’une marque exclusive, on ne doit pas chercher à être universel. D’ailleurs nos ventes se concentrent fortement sur des points de vente de qualité et de grands acteurs de la distribution tels que Bucherer, Wempe ou The Hour Glass. Nous tenons à garder et renforcer notre statut de partenaire loyal et stable et ne comptons pas ouvrir de boutique en propre.
Quels sont les atouts les plus forts de GP pour séduire les clients d’aujourd’hui ?
Les produits sont là, nous sommes très confiants. Si vous vous souvenez de notre concept Laureato Carbon Glass présenté au SIHH 2019, apprenez que nous sommes parvenus à le maitriser suffisamment pour en lancer une série limitée de cent chronographes avec un très bon rapport qualité-prix : la Laureato Absolute Rock. Il s’agit d’un nouveau type de carbone ultrarésistant et léger, qui ne nécessite plus de container pour assurer son étanchéité. Ses spectaculaires nervures bleues et noires le rendent unique. Nous allons sortir des produits très excitants. Les valeurs de la marque sont bien perçues par les connaisseurs, mais le client final en général a sans doute besoin qu’on lui explique davantage. Girard-Perregaux se distingue par cette harmonie entre le contenu horloger et le design qui reste au coeur de son ADN, mais aussi par une élégance décontractée à l’italienne. Aujourd’hui c’est intéressant de faire partie d’un club de marques exclusives en termes de production, plus sans doute que de celles qui vendent un million d’exemplaires. Quand je vois quelqu’un qui porte une Girard-Perregaux, j’observe un choix de connaisseur. C’est un atout de ne pas trop produire, à nous d’expliquer cette force de la marque.
« Nous augmentons la cohérence de la marque Girard-Perregaux et densifions son message. »
Quel visage affichera GP en 2020, est-ce qu’il s’agira d’un tournant pour la marque ?
Girard-Perregaux va s’affirmer. Je le répète, les produits sont bons, nul besoin de nouvelle collection, il suffit de développer celles qui existent déjà en nous appuyant sur nos atouts : renforcer nos piliers avec une certaine forme d’animation, apporter de la stabilité et raconter notre histoire. Or nous disposons pour cela de deux axes géométriquement marquants : les ponts, en particulier dans la collection Bridge, et l’octogone de la collection Laureato. A mon sens, ces deux collections représentent la marque à un niveau très fort, qu’il convient de travailler encore plus, de manière traditionnelle mais aussi contemporaine. Le modèle Quasar de la collection Bridge présenté à Miami Watches & Wonders avec son boîtier en saphir illustre cette volonté, il avait été initié par l’équipe précédente mais je le trouve très intéressant. D’ailleurs, Stefano Macaluso* qui est devenu un ami continue de collaborer étroitement avec GP et nous travaillons sur certains projets ensemble, afin de retrouver les racines de la marque. En parallèle nous avons investi dans la manufacture, ainsi que dans la Villa Girard-Perregaux afin de la transformer en musée. Nous réalisons un énorme travail de fond sur notre identité.
*l’ancien directeur du produit, de formation d’architecte
« Ulysse Nardin innove beaucoup : cinq nouveaux calibres cette année, mais aussi en communication. »
En ce qui concerne Ulysse Nardin, sur laquelle vous avez déployé beaucoup d’énergie depuis deux ans, est-ce que les résultats sont conformes à vos attentes ?
Maintenant que vous me posez la question, oui, absolument ! Ulysse Nardin a atteint un très bon niveau de cohérence et d’alignement entre l’histoire, la marque, le produit et la distribution, qu’il faut continuer à alimenter. En outre c’est une marque qui innove beaucoup, qu’il s’agisse de la communication ou des produits, avec cinq nouveaux calibres cette année. On les retrouve dans des montres aussi différentes que la Marine Mega Yacht, la Freak X qui séduit les Asiatiques, la Skeleton X que les Américains apprécient beaucoup ou la Freak NeXt avec son oscillateur géant sans pivot. Notre message authentique, différenciant et moderne est très bien perçu par les clients finaux, les détaillants et les médias, qui nous renvoient cette image de nouvelle dynamique. Afin de renforcer la pertinence de notre communication sur les marchés-clés, nous avons ouvert deux boutiques en Chine et une à Genève, ce qui en fait vingt en tout, mais Ulysse Nardin n’a pas vocation à les multiplier, nous conservons notre réseau de distribution constitué de détaillants. Il existe de véritables opportunités et nous disposons d’un fort potentiel de croissance, et comme nous ne disons que la moitié de ce que nous faisons, nous avons de la marge ! D’ailleurs j’ai la chance de pouvoir compter sur une équipe de talents qui ont tous une grande ambition pour la marque.
Votre site permet de « Trouver votre Ulysse Nardin » avec un configurateur, est-ce une source d’information pour vous également ?
Absolument. Nous avons accéléré notre transformation digitale afin d’obtenir le bon niveau de conversation avec le consommateur. Pour moi c’est le nerf de la guerre. L’expérience consommaInteur commence maintenant en ligne, il faut la faciliter et le faire sans tabou. Les benchmarks sont horlogers et non horlogers. Nous sommes tous des consommateurs et n’avons pas de raison d’agir différemment en achetant une montre ou une voiture ou un autre bien ou service de luxe. Il faut délivrer du rêve mais également de la praticité au niveau supérieur, puis l’étendre aux magasins pour amener le consommateur final à voir et à toucher le produit. Quand le client voit la montre, ou visite la manufacture, il n’y a plus de question.
Est-ce que le lancement cette année de votre facteur X commun aux collections Freak et Skeleton a stimulé l’intérêt ou brouillé le message ?
Il s’agit d’une facette venant renforcer le message de la marque. Le facteur X exprime la technicité de manière plus moderne, il symbolise en une lettre des valeurs de la marque qui existent déjà. Pour certaines personnes, il apporte très rapidement un niveau élevé de compréhension de la technique et du design de la marque. C’est notamment le cas pour notre Freak X Only Watch.
L’univers marin fait partie de l’ADN d’Ulysse Nardin, cette source d’inspiration permet de guider la créativité autant que l’innovation ?
Avant tout il s’agit d’un univers exigeant et très souvent authentique. Il nous pousse à réfléchir, peut se montrer à la fois technique et poétique. Nous l’avons vu cette année avec nos Classico Manara dans les métiers d’art, mais également auparavant avec les divers chronographes du challenger Artemis Racing pour l’America’s Cup. Nous exploitons leurs découvertes, par exemple dans le foil, pour obtenir plus de confort, de légèreté, de résistance, autant de paramètres importants en yachting.