Si l’histoire d’Autavia est connue, cette combinaison contient des messages insoupçonnés.
Dans notre voyage au sein du monde étrange et merveilleux des noms de montre, il y a une catégorie particulière, mélange de créativité, de risques et de sous-entendus. C’est celle des noms « inventés ». C’est le cas d’Heuer avec la fameuse Autavia. Elle fait appel à l’imagination et empêche l’association naturelle entre le nom et l’objet. De la sorte, elle crée un lien immédiat avec l’objet et force la discussion. L’histoire d’Autavia est connue. Le nom vient de la combinaison entre AUTomobile et AVIAtion, et définissait à l’origine des instruments de bord destinés aux avions et aux voitures. Ce qui est intéressant avec l’histoire des noms, c’est que le hasard d’une création – ici la combinaison de deux mots – peut générer plein d’autres déclinaisons et renfermer des messages. Avant de s’appeler Autavia, les premiers instruments de bord Heuer s’appelaient « Time Of Trip » (le temps du voyage) et unissaient l’avion et la voiture autour de la notion de voyage. Le premier Zeppelin était d’ailleurs équipé de ces fameuses stopwatches.
LA PREMIÈRE DE JACK HEUER
Au-delà du voyage, ces deux industries sont également liées par les notions d’engineering, de technologie ou de mécanique. Et comme le nom est apparu en 1933, on peut aussi y voir un message de modernité et de progrès, l’aviation et l’automobile étant encore à leurs balbutiements. En inventant le nom Autavia, Heuer a réussi une prouesse marketing, celle de créer un nom qui allait s’établir avec le temps, tout en étant portée par des produits bien différents. Parce que l’Autavia des débuts n’a rien à voir avec l’Autavia de 1962 ou celle de nos jours. C’est justement le bénéfice d’un nom inventé. Il s’adapte et évolue avec son produit. Une Submariner ne sera jamais une montre de pilote. Alors qu’une Autavia peut prendre plusieurs formes, et son nom restera valide.
En tant que première création horlogère de Jack Heuer, l’Autavia est une montre qu’il voulait simple, lisible et solide. Avec Autavia, Heuer lance sa marque dans le grand bain des montres de poignet. Le nom Autavia permettra ce changement radical, tout en conservant une accroche avec les instruments de bord d’origine. Autavia est donc une première, voire un ancêtre. C’est amusant, car Otavia est aussi le nom donné au plus ancien des fossiles animaux. Comme quoi, le hasard fait bien les choses. Autavia et Otavia : deux ancêtres qui ont donné naissance à plein de descendants !
UN ZESTE DE FÉMINITÉ
Selon Jack Heuer, le chronographe Autavia – lancé en 1962 – devait être « un chronographe moderne pour un homme moderne » ! Pourtant, de manière assez originale, le nom semble féminin, il se termine en A et sa prononciation est douce. Ce qui peut trancher, voire surprendre, pour une montre qui se destine à des activités à l’époque plutôt masculines telles que le pilotage. En baptisant ainsi certains de ses chronographes, Heuer ose sans le savoir – ou le vouloir – un positionnement diffèrent. Encore une fois, le nom Autavia brouille les pistes et permet de se créer par lui-même, sans être influencé par son environnement. D’ailleurs, quand on prononce Autavia, on peut vite comprendre Octavia, prénom féminin qui se caractérise par une apparence agréable, une personnalité forte, indépendante, mais aussi une capacité à être souple et adaptable. Cette description est assez intéressante, car une des spécificités de la Heuer Autavia est la présence d’une lunette extérieure dont la fonctionnalité peut varier en fonction des modèles. Elle peut ainsi se transformer en une montre GMT, un chronographe de régate, une plongeuse ou une pièce plus classique équipée d’un tachymètre. L’Autavia est donc un chronographe qui se caractérise par son adaptabilité, sa souplesse, mais aussi par un style unique.
ENCORE DES PETITS SECRETS
Avec les années, l’Autavia animée par un Valjoux 72 devient automatique. Son mouvement change mais comme son nom Autavia contient aussi les premières lettres d’AUTomatique, le nom reste. Et il projette un autre message. Parce qu’Autavia contient bien d’autres petits secrets. Avia, pour aviation. Certes, mais qu’est ce qui permet aux avions de voler et aux voitures de rouler ? L’essence bien sûr. En 1934, soit quelques mois après la création de l’Autavia, nait une compagnie suisse nommée Avia, regroupant près de 100 sociétés pétrolières… Avia, essence, avions, automobiles. Les fondateurs d’Avia se sont-ils inspirés de l’Autavia ? Nous ne le saurons jamais, mais le timing est intéressant.
Regardons maintenant les trois dernières lettres : VIA. Là encore plusieurs significations : la route en latin ou la préposition qui signifie « en passant par ». Décidément le message est clair, l’Autavia est une montre de voyage, de déplacement, mais aussi une pièce qui va évoluer et « passer par » différents stades, designs et fonctions. En intégrant l’idée d’évolution et de mouvement, le nom Autavia permet à Heuer, puis à TAG Heuer, de faire évoluer ces montres en les dotant de différentes personnalités. Autavia devient donc le nom d’une gamme, autant que celui d’une montre.
D’ailleurs, à Baselworld 2019, TAG Heuer a lancé une nouvelle Autavia. Et encore une fois la surprise est grande, puisqu’il ne s’agit pas d’un chronographe mais d’une montre 3 aiguilles. Elle conserve sa lunette qui la différencie des autres montres historiques de la marque. Et elle affiche sa lisibilité, autre caractéristique commune à toutes les Autavia. Cette fois-ci l’innovation est aussi à l’intérieur puisque TAG Heuer dote cette nouvelle venue d’un nouveau mouvement, certifié chronomètre et moins sensible aux chocs et aux champs magnétiques. Force est de constater qu’avec cette nouvelle évolution, TAG Heuer surprend les fans historiques de la marque qui associent Autavia avec chronographe. Peut-être un autre renouveau en 2020 ?