Audemars Piguet : Jules Audemars extra plate automatique

Impossible d’évoquer Audemars-Piguet sans penser immédiatement à l’emblématique Royal Oak, pourtant, la notoriété des ateliers du Brassus est bien antérieure à 1972 et à l’apparition de son modèle phare. Ainsi l’ère précédant celle du Chêne Royal a vu Audemars Piguet se positionner en maître des grandes complications et s’offrir une spécialité, un peu moins combière, la réalisation de montres extra-plates. Voyons avec la Jules Audemars extra plate présentée au SIHH de cette année comment Audemars Piguet a su pérenniser son savoir-faire dans ce segment dont le retour en force est la plus évidente des tendances post-crise.

 

L’habillage :

Bien que les contraintes techniques soient plus affirmées que ce que l’on pourrait imaginer, fabriquer un boîtier de montre extra-plate ne pose pas de difficulté majeure. Le réel défi concerne davantage le travail artistique des designers. Parvenir à simplifier un dessin pour en sublimer l’essentiel est, paradoxalement, l’exercice le plus difficile qui puisse être confié à un designer. Le trio boîte-cadran-bracelet de cette Jules Audemars est clairement une réussite en termes de proportions mais surtout de choix des matériaux et des finitions. Le modèle qui nous a été confié pour ce banc d’essai était en or rose avec lunette sertie de diamants ronds. Mue par un mouvement automatique, cette nouvelle référence est un modèle de minceur. En soit, cela constitue déjà une excellente performance, mais c’est l’interaction de cette épaisseur infime sur les autres dimensions qui en fait toute la cohérence. En effet, le diamètre de la boîte n’est que de 41mm, ce qui semble petit si l’on se reporte aux standards actuels. Seulement voilà, ces 41mm en semblent plutôt 43 lorsqu’ils sont ainsi proportionnés, mais conservent un dimensionnement qui en autorise un usage universel (hommes, femmes, Europe, Asie etc…)

Les cornes sont discrètes et de taille réduite, ce qui apporte autant à l’élégance qu’à la pluralité des acquéreurs potentiels.  La lunette fine n’offre qu’une petite bande de sertissage. Quel bon choix que d’avoir privilégié l’élégance – qu’on attend légitimement d’une telle montre – plutôt que d’avoir opté pour la seule plus-value marchande de pierres « tape-à-l’œil ».

Le cadran argenté est partiellement guilloché et apporte une touche ultime au raffinement naturel de cette montre, avec, notamment, son index de midi serti de trois diamants quasiment invisibles mais d’un effet très remarquable.

 

Le mouvement :

Bien connu des collectionneurs et des grands amateurs de haute horlogerie, le calibre 2120 que l’on trouve dans cette Jules Audemars symbolise à lui seul les compétences développées par les artisans de la Vallée-de-Joux et nous ramène également à la Royal Oak que nous évoquions en introduction de ce banc d’essai. Ce mouvement a été originellement développé en 1967 par une autre manufacture combière prestigieuse (ce n’est même pas un secret de polichinelle) et était jadis également utilisé par les deux plus grandes manufactures genevoises. Toutes trois contribuèrent d’ailleurs à son financement. C’est également ce calibre qui fut retenu pour motoriser la première Royal Oak de 1972, la fameuse « Jumbo » :  2.45mm d’épaisseur seulement pour afficher heures et minutes avec un remontage automatique bi-directionnel et l’option d’un disque de quantième (cal. 2121) sans que cette cote ne change et constitue déjà un exploit. Certes ce n’est pas le record absolu de finesse dans sa catégorie, mais si l’on considère la qualité, l’intelligence et l’esthétique de sa conception, on réalise déjà que le titre – mérité – de légende n’est pas galvaudé. Le système automatique pose à lui seul le décor de cet aboutissement. Toute l’inertie de la masse oscillante – en or 21ct – est portée à l’extérieur, profitant ainsi d’une partie de la faible épaisseur du mouvement. La masse est visée sur une couronne périphérique qui assure la rigidité et la planéité de l’ensemble dont le rendement surpasserait les limites mécaniques acceptables sans cette astuce. L’ensemble est en appui sur quatre galets verticaux en corindon synthétique. Le squelettage et la gravure de la masse oscillante portent à eux seuls toute la splendeur de la signature AP. L’organe régulateur mériterait également un article à lui seul puisqu’il synthétise le meilleur des plus grands acteurs horlogers de l’époque de sa conception. Réglage dynamique à inertie variable pour la meilleure approche de l’isochronisme et un niveau de finitions exemplaire. Le calibre 2120 c’est simplement… le meilleur choix.

 

Les tests :

Après tel encensement, il convient de replacer le calibre 2120 dans le contexte de sa catégorie des (vrais) extra-plats afin de prévenir l’auto-combustion, précoce et dommage, de quelque horlo-geek. Ses performances chronométriques ne sont pas sensées le voir concourir contre des bêtes de compétition manufacturées sans contrainte de dimensions. D’ailleurs, ce calibre n’indique pas la seconde, ce qui impose, à priori, un seuil de tolérance plus élevé. Pourtant, les résultats surprennent par leur régularité. Une fois l’angle de levée bien renseigné à la valeur inhabituelle de 56°, les mesures peuvent commencer. L’amplitude mesurée était comprise entre 271° et 286° dans les cinq positions à plein armage. Dans le même temps, les marches affichaient des mesures comprises entre -2 et +5 sec/j. Après 24h de fonctionnement, les marches demeuraient serrées entre 0 et +7 sec/j alors que les amplitudes avaient perdu 8 à 10°. Bien qu’il soit recommandé d’amorcer manuellement l’armage lorsque le ressort est complètement détendu, le remontage automatique est une pure merveille. Un compromis absolument parfait entre douceur d’armage et rendement. L’élégance étant son terrain de jeu, on ne parlera pas de confort au porté mais de conscience du porté, juste suffisante pour en savourer le raffinement discret.

 

En conclusion :

Le choix d’une montre ultra classique telle que cette Jules Audemars est avant tout une histoire de cœur, d’émotions. On ne saura que trop conseiller de suivre son instinct dans cette phase-là. Cependant, si cette montre obtient ces faveurs, elle est, dans sa catégorie, l’une des meilleures garanties de satisfaction qui puisse être. Son sublimissime mouvement en est l’un des atouts majeurs et il faut relever qu’on dispose de cinquante années de bons services pour savoir qu’entre les mains d’un horloger minutieux il est d’une fiabilité et durabilité historique. Encourageons et remercions AP pour cette si belle incarnation de son savoir-faire, souhaitons que la manufacture du Brassus poursuive dans cette voie en nous faisant redécouvrir certaines collections à l’importance historique si légitime.


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