Pour ce banc d’essai c’est une Rotonde GMT en or rose, animée par un mouvement automatique qui nous a été confiée. Probablement l’une des Cartier les plus intéressantes qui pouvait nous être soumise car elle incarne parfaitement le positionnement et l’identité horlogère de la marque.
L’habillage :
La subjectivité est de mise lorsqu’il s’agit d’esthétique, mais cette Rotonde GMT est, au goût du rédacteur, l’une des plus belles montres signées Cartier. Sous un air de grand classique, cette Rotonde se révèle presque audacieuse par certains détails et c’est bien là que réside l’une des grandes forces de Cartier, s’agissant de joaillerie comme d’horlogerie. Le boîtier de 42mm de diamètre ne présente pas de grandes surprises. Ses lignes fluides et des proportions étudiées en font cependant une réussite absolue. La couronne emblématique avec son gaudron et son cabochon saphir présente un léger surdimensionnement dû à la présence du poussoir qui permet d’ajuster le second fuseau horaire. Le cadran argenté et guilloché porte à lui seul toute l’élégance et l’originalité de l’ensemble. Les informations y sont réparties de manières agréables et équilibrées. Avec moins de 12mm d’épaisseur, l’ergonomie est au rendez-vous. Côté bracelet on retrouve le système cuir/boucle déployante cher à Cartier. Ce système permet une mise de longueur précise et équilibrée et aucun brin de bracelet n’est apparent à l’extérieur. Le design de la boucle mériterait cependant une mise au goût du jour.
Le mouvement :
Depuis quelques années, Cartier est devenu une manufacture à part entière et dispose de talents en interne développant des mouvements répondant aux besoins spécifiques de la marque. Le calibre 1904-FU MC est issu de cette évolution. Plusieurs années auront été nécessaires à son développement et la base sera commune à de nombreuses références. Destiné à être produit en quantité et à un coût maitrisé et attractif, il appartient clairement à la famille des mouvements de qualité, issus de production industrialisée plutôt qu’à l’univers de la haute horlogerie stricto sensu. Son design et sa décoration spartiate confortent ce constat, autant que celui d’un très bon rapport qualité-prix. Le module embarqué ici compacte une grande date, une aiguille d’heure de second fuseau rétrograde couplée à un indicateur jour-nuit auxquels s’ajoute la petite seconde reportée à 6H.
Les tests :
Compte tenu de l’intelligent positionnement de cette montre et de son prix relativement attractif, les résultats des tests se sont révélés plus indispensables que jamais avant de pouvoir se forger une opinion. Afin de terminer sur une note positive amplement méritée nous aborderons d’abord les points sujets à compromis. Ceux-ci concernent particulièrement l’indicateur du GMT. Les pointages et la disposition des disques de la grande date laissent supposer que le choix d’un indicateur rétrograde a été conditionné pour des raisons d’encombrement. Un choix très intéressant d’autant plus que l’indicateur jour-nuit qui y est couplé évite toute confusion. Cependant, son faible dimensionnement et sa graduation minimaliste en rendent la lecture peu aisée voire très difficile. Ce choix d’affichage rétrograde a certainement eu son incidence sur la mise à l’heure qui ne s’effectue dès lors plus qu’en sens horaire. Le choix du rétrograde était-il pertinent d’un point de vue fonctionnel ? La réponse viendra sans doute au prochain SIHH.
La chronométrie est quant à elle tout à fait au rendez-vous et constitue la très agréable surprise de ces tests. Une fréquence de 4Hz permet d’arriver avec des marches mesurées entre +2sec/j et +6sec/j à 0H et dans 6 positions !!! Un résultat d’une qualité rarement enregistrée dans ces colonnes, avec une amplitude moyenne mesurée à 295°. Après 24H de marche, l’amplitude moyenne était encore supérieure à 280° et les marches mesurées affichaient alors un delta de 5 secondes comprises entre +2 sec/j et +7 sec/j. La fonction du GMT est plutôt dans la limite « dure » mais elle se fait facilement et on évitera ainsi toute correction intempestive et involontaire.
En conclusion :
Cette Rotonde GMT illustre parfaitement l’intelligence du positionnement en gamme de Cartier, qui réserve par ailleurs des modèles plus ambitieux en termes de complications à sa catégorie Haute Horlogerie. Mais avec un tel positionnement de prix (moins de CHF 9’000.- en acier et de CHF 25’000.- en or rose) Cartier invente quasiment un nouveau segment, une nouvelle niche en rendant accessible une fonction utile et prisée par les amateurs de belle horlogerie dans une montre élégante. La plupart des marques misant sur des finitions haute horlogerie (et pas toujours avec une chronométrie digne de ce nom) abandonnent un terrain de jeu qui convient parfaitement à Cartier, séduisant par l’intelligence de cette démarche autant que par les qualités de cette Rotonde GMT à qui l’on pardonne volontiers quelques concessions.