Plutôt que de s’inscrire dans cette mouvance, Harry Winston a opté pour une stratégie et une communication des plus transparentes. Considérant l’activité joaillière de la maison, et conscients du temps nécessaire à apprendre le métier d’horloger, les dirigeants de la célèbre enseigne new-yorkaise ont pris le parti de se concentrer sur le dessin et l’habillage de ses garde-temps en n’hésitant pas à communiquer qu’ils achetaient leurs mouvements ou les faisaient développer par le gratin des horlogers indépendants (la série Opus).
A l’heure où la langue de bois régnait dans tous les bureaux de communication horlogère, une telle stratégie relevait d’un véritable pari, non dénué de risques. Mais les amateurs de belle horlogerie ont alors démontré leur sensibilité à un discours sincère. Quant aux montres signées par le plus grand joaillier et motorisées par les meilleurs horlogers…. qui pouvait rêver mieux ? Voyons si ce Project Z6 Black Edition perpétue dignement cette vision novatrice initiée par Harry Winston.
L’habillage :
Présenté en 2011, le Project Z6 est d’abord apparu habillé du boitier en Zalium non traité avant de se décliner en or puis tout récemment du boitier Zalium recouvert d’un traitement DLC. Cette dernière version, objet de notre banc d’essai, s’affirme par une identité marquée.
Exclusivité horlogère d’Harry Winston, le Zalium est un alliage à base de zirconium utilisé traditionnellement dans l’aéronautique. Plus léger et plus dur que le titane, il est également plus résistant à la corrosion. Autant de qualités qui en font un métal parfaitement adapté aux contraintes des montres bracelets contemporaines. Le traitement DLC noir augmente encore la résistance en surface et trouve avec le Zalium un substrat idéal garant d’une tenue durable.
Si le design de la boîte permet d’identifier immédiatement son illustre fabriquant, l’esthétique générale avant-gardiste de ce garde-temps est le fruit d’un choix tranché et assumé. Le bracelet en caoutchouc intégré est d’une somptueuse facture. Un léger pivotement prévu à son attache permet d’épouser ergonomiquement chaque poignet. La boucle déployante trois lames pourrait être d’une construction plus robuste, en accord avec l’esprit de ce garde-temps. Si on a beaucoup aimé le capot « trompe l’oeil » en boucle ardillon, celui-ci complique légèrement les manipulations. Le cadran mérite d’être cité en exemple tant son équilibre, sa complexité et la qualité de ses finitions sont exceptionnels.
Le mouvement :
Il s’agit du mouvement réveil mécanique à remontage manuel signé Chronode, probablement le motoriste le plus innovant de ces 20 dernières années. Le nombre d’améliorations et d’innovations par rapport aux rares mouvements mécaniques à réveil est éloquent. Une seule couronne permet d’armer simultanément le barillet alimentant le rouage et celui du réveil. De ce fait et afin de se prémunir de toute casse, les deux ressorts sont munis d’une bride glissante. Malgré l’encombrement du mécanisme de réveil, le mouvement dispose de trois jours (72 heures) de réserve de marche. Quant au réveil, son autonomie est d’une vingtaine de secondes
lorsque son ressort est complètement armé. L’ensemble des réglages se fait par la couronne. Seul un poussoir additionnel est présent pour enclencher et déclencher la fonction de réveil. L’une des plus appréciables innovations de ce mouvement est que le mécanisme du réveil fonctionne sur 24H. Un indicateur jour/nuit additionnel pour l’heure du réveil et un second pour l’heure affichée permettent d’ajuster très précisément l’heure de son réveil plus de douze heures à l’avance.
Les tests :
Les trois jours d’autonomie du calibre de cette Z6 ont induit, pour ce banc d’essai, trois mesures de marche prises dans les 6 positions. Une en plein armage, une à 24h et la dernière à 48h de marche. En plein armage avec la bride glissante détendue, l’amplitude moyenne a été mesurée à 290° avec un delta de 30° alors que la marche moyenne était de + 2sec/jour avec un delta 11.1sec. Après 24h de marche, l’amplitude moyenne reste élevée avec 281° pour un delta réduit à 16° alors que la marche moyenne était de + 1.2sec/jour avec un delta resserré à 8.4sec. Enfin, après 48h de marche l’amplitude moyenne demeure élevée à 256° avec un delta de 29° alors que la marche moyenne était mesurée à -2.1sec/jour avec un delta de 7.9sec. Des résultats très satisfaisants compte tenu de la complexité du mouvement.
La sonnerie du réveil résonne durant une vingtaine de secondes lorsque son ressort est en pleine charge. La fréquence à laquelle le marteau heurte le timbre est idéalement orchestrée et la section rectangulaire du timbre donne un son très cristallin. Les puristes reprocheront peut être que l’échappement du réveil se remarque un peu trop par son niveau sonore.
Toutes les manipulations et le réglage des fonctions se font très intuitivement et facilement. Enfin, la Project Z6 Black Edition est très agréable au porté et les 44mm de diamètre de son boîtier en paraissent deux de moins par des proportions idéales et un bracelet parfaitement intégré.
En conclusion :
Ce Project Z6 Black Edition, remplit parfaitement son cahier des charges. Il s’agit d’une montre design, technique, utile et dotée d’une fonction de réveil qui n’a jamais été aussi aboutie. Si un perfectionnement devrait être apporté, on suggèrerait volontiers au motoriste de songer à inclure un indicateur de réserve de marche du réveil. En effet si le réveil est complètement déchargé, rien ne l’indique alors que le mouvement peut disposer encore d’une confortable réserve de marche. On pourrait avoir tendance à oublier de remonter sa montre pour donner de la charge au réveil. Enfin, la lisibilité n’est pas l’atout majeur de ce garde-temps, dont les concepteurs ont clairement privilégié le design, somptueusement réussi. On félicite l’audace de ce choix courageux qui est probablement l’une des clés de la réussite de cette nouvelle réalisation qui a su émerveiller nos yeux et nos oreilles !