Malgré les apparences, les montres ne sont jamais vraiment symétriques. De légers décalages, des ruptures de rythme leur donnent toute leur dynamique, parfois même leur identité.
La symétrie est la manière la plus évidente de créer un ordre esthétique dans un objet. Notre cerveau y répond instinctivement comme le prouve notre sensibilité au nombre d’or, si présent dans la nature. Mais prise trop strictement, la symétrie absolue est d’un ennui absolu car elle ne possède pas de dynamique interne. Ainsi, les plus grandes oeuvres classiques ne l’appliquent qu’en apparence. Par exemple, le Parthénon d’Athènes donne l’impression que ses marches et colonnes sont parallèles alors qu’elles sont incurvées et convergentes. Les grecs avaient déjà compris que la perspective influence notre perception et donne aux objets plus de sens et de force. Ainsi, la symétrie pure n’a pas sa place en horlogerie. Il s’agit donc de la détourner pour l’adapter aux autres lois de l’équilibre visuel.
Casser le rythme
Il existe bien des manières de rompre la monotonie de la symétrie exacte. Breguet casse le rythme gauche-droite en logeant à 5h30 la petite seconde de sa Classique 7147, comme une béquille qui fait tenir l’ensemble. Sous l’apparence de cadrans parfaitement symétriques, Arnold & Son se permet de légers détournements, comme avec l’Instrument DTE. Ses deux tourbillons sont face à face, ses côtes de Genève alignées sur le cadran, mais ses deux couronnes ont glissé à 2 et 7 heures. Longines fait pivoter toute la boite de son Avigation Watch Type A-7 de 60 degrés, pour que la montre soit lisible à la verticale dans les positions naturelles du poignet.
En effet, les sous-cadrans et compteurs sont des repères fondamentaux qui doivent animer le cadran. Avec ses quatre indications traditionnelles, logées aux points cardinaux, le quantième perpétuel court le risque de l’ennui. Heureusement, la phase de lune y apporte un croissant de couleur qui évite le drame. Le cas de la face calendrier de la 6300 Grandmaster Chime de Patek Philippe, qui joue le reflet sur deux axes, est donc une exception.
Lignes de fuite
L’important dans le design horloger n’est pas le reflet, mais l’équilibre des masses. C’est pourquoi la petite seconde à 6 heures fonctionne si bien : elle répond au nom de marque à midi. C’est également le principe de l’Hora Domus de Bulgari. Ses six guichets semblent se refléter, mais leurs formes et couleurs sont différentes et trompent l’œil juste assez pour le satisfaire. Cet équilibre explique aussi l’implantation si particulière des Lange 1 A. Lange & Söhne : toutes ses indications sont logées sur des axes de symétrie secondaires. Mais certains ex-centrages répondent à des besoins d’ordre ergonomique. La Métiers d’Art Elegance Sartoriale de Vacheron Constantin est volontairement centrée à droite pour mieux se lire sous la manche d’une chemise. Les couronnes décalées à 5 heures, fréquentes chez les montres de plongée, préservent le poignet des frottements du remontoir. La Recital 18 The Shooting Star® de Bovet est plus épaisse à midi qu’à 6 heures pour mettre le mouvement en vitrine, sous les yeux du spectateur, selon une inclinaison qui avantage la montre. Et la RM 59-01 de Richard Mille a un boîtier plus épais d’un côté que de l’autre : pour que le sprinter Yohan Blake, qui a inspiré cette pièce, fende mieux l’air sur 100 mètres ?
